Les Jours sombres by Gregory Brown

Les Jours sombres by Gregory Brown

Auteur:Gregory Brown [Brown, Gregory]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


11

L’ÉTÉ BRÛLANT suivait son cours. La plupart du temps, Adam et Molly se nourrissaient de leurs récoltes. Parfois, ils pêchaient et ils chassaient, veillant à varier les sites et les chemins pour rentrer. La chaleur était insupportable. Lorsqu’ils ramassaient les haricots, les navets et les carottes, ils dégoulinaient de sueur. Adam remarqua que sa fille semblait ne jamais boire, ni maudire le soleil ou s’attarder sous les arbres. Il travaillait sans relâche, s’inquiétant à propos de la mare dont le niveau, en ce début de juillet, baissait peu à peu. Molly aussi l’avait vu.

— Plus on prélèvera de l’eau, moins on aura de poissons, dit Adam. Bientôt, il n’y aura plus assez d’oxygène.

— On mangera tout ce qui mourra.

— Tous les poissons qui mourront, rectifia Adam. Il s’agit de créatures vivantes. Notre but est de nuire le moins possible.

Ils survivaient. Ils n’avaient pas à se plaindre. Adam était convaincu qu’il s’agissait d’un test. Pas un test de foi conçu par une déité sadique, mais un test de résilience. Bientôt l’automne serait là, suivi de l’hiver. Alors le monde se figerait. Quand il s’animerait à nouveau, ils quitteraient cet endroit. Molly devait reprendre les cours et Adam avait besoin d’un emploi. Personne ne devrait avoir à vivre dans le manoir délabré d’un capitaine mort, à chasser en douce et à s’échiner dans un potager envahi par l’ombre pour manger. Le plus raisonnable serait de franchir la frontière canadienne et de pénétrer en territoire micmac, où les mœurs et les paysages étaient similaires aux leurs. Là-bas, la loi américaine ne pourrait les rattraper. Rien d’extravagant au début. Une chambre louée. Un appartement dans un garage. Un petit boulot de menuisier, tout au bas de l’échelle. L’idée de s’éloigner des terres penobscots lui déplaisait, et puis Molly lui en voudrait, mais il savait que le prochain Blanc à la surprendre avec un casier risquait de la tuer. Quel père prendrait un tel risque ?

Certains matins, des dindons sauvages s’aventuraient hors des bois. Un jour, alors que la sécheresse s’intensifiait, un ours brun affamé descendit des collines et s’immobilisa sur une butte dans la prairie. Sa fourrure était mitée. Il s’affaissa sur son arrière-train et se releva avec lenteur. Les moustiques se jetèrent sur l’animal, qui n’avait plus l’énergie ni de les fuir ni de les chasser. Lorsqu’il leva une de ses grosses pattes pour les éloigner, un banc de nuages apparut dans son dos. Molly trouva la vision étrange : un ours faiblissant découpé contre les nuages.

— Qu’est-ce qu’il a ? demanda-t-elle.

— Il va mourir.

— Pourquoi ?

— Il a la gale. Ne le quitte pas des yeux. Reste ici.

Adam alla dans la maison et revint avec le fusil que Moses lui avait donné.

— Vraiment, papa ?

Adam lui tendit le fusil.

— C’est inévitable. Il souffre et on a besoin de viande.

Molly braqua le canon sur l’animal. L’arme avait été soigneusement polie et huilée. Elle était leur possession la plus précieuse. L’ours agita faiblement la tête. Il se tourna vers les bois et s’effondra sur son arrière-train.



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